CHONIQUE D’UN CONFINEMENT (Jour 5/ samedi 21 mars)

 

Sublime

Il faut bien le reconnaître, ce virus nous fascine. Il pourrait ressembler à une nano-méduse rouge ou à une anémone de mer de l’infiniment petit. Les excroissances qui hérissent son corps sphérique ont l’aspect des clous d’une couronne, d’où son nom de corona. Un nom qui se charge de l’omnipotence, du pouvoir infini que symbolise une couronne. Ce virus terrible répand son emprise sur le globe, il règne en maître sur notre système économique et financier, notre liberté de travailler et de circuler. Si minuscule et si dominateur. Et encore invincible.

Durant des millénaires, les catastrophes qui ravagent l’humanité, ont frappé par le caractère spectaculaire de leur force destructrice. Les séismes, ouragans, éruptions, nous atteignent deux fois. Par le mal qu’ils nous font et par la fascination qu’ils exercent. Il en allait de même avec les épidémies du passé. Leurs destructions s’exhibaient. La guerre, avec ses scènes de dévastation exerce le même pouvoir. Notre imagination et notre pensée sont dépassées.

Avec un phénomène comme le virus, nous sommes confrontés à une destruction impalpable. On peut le quantifier, certes, mais le sida, par exemple, reste une maladie individuelle, cachée dans les domiciles et les hôpitaux. Le Covid-19, est un virus inédit qui ajoute l’invisibilité – excepté pour les personnels hospitaliers ou les familles des malades- à la violence. Son agression vide les rues. Ne circulez pas, il n’y a rien à voir. En dépit ou en raison de cette absence, il nous fascine encore.

Kant appelait sentiment du sublime, ce sentiment qui nous met en présence d’une force qui nous dépasse. Sublime ici ne veut pas dire très beau, mais au-dessus de limites, supérieur. « Est sublime ce en comparaison de quoi tout est petit. » Le virus, autant que la furie d’un tsunami, nous met en présence d’une force infinie. Certains puérilement tentent d’en jouir. Voyez, disent-ils, nous nous croyions invincibles, la nature et la vie se révoltent, nous l’avons bien cherché. Ils prennent pour punition ce qui est épreuve.

Ce virus, certes, nous rappelle à nos limites et à notre fragilité. Mais ce que Kant percevait dans le sublime, c’est autre chose. Une ouverture à l’infini. Un défi lancé à notre liberté. L’homme seul est capable d’affronter le danger, y compris le risque de la mort.

Il y a mieux à faire, donc, que de se laisser fasciner, méduser par la puissance du Covid-19. Les malades luttent, les hospitaliers et tant d’autres se battent au péril de leur vie, les chercheurs s’activent. Et même dans le confinement nous combattons. Nous en viendrons à bout de ce virus !

Pascal : « Quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu’il sait qu’il meurt et l’avantage que l’univers a sur lui ; l’univers n’en sait rien. »

  Emerson En général, tout mal auquel nous ne succombons pas est un bienfaiteur pour nous.”

Aragon : « L’homme crie où son fer le ronge et sa plaie engendre un soleil. »