CHRONIQUE D’UN CONFINEMENT (jour 3/ jeudi 19 mars)

Le retour de Pan

Mon premier a la forme d’une couronne, mon second est un virus, mon troisième est une maladie qui cache son nom (desease), mon quatrième est apparu l’année dernière. Mon tout : une pandémie baptisée Covid-19. Ce serait pour nous rassurer que l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, a choisi ce nom imbuvable qui ressemble à celui d’un avion de chasse.

Pandémie vient du grec pan (tout) et démos (peuple). Le Covid-19 est un virus qui peut frapper tout le monde et partout. On retrouve ce préfixe totalisant dans panacée (remède universel), panique (grande peur), panurge (homme qui fait tout) mais pas dans panade qui vient du latin panis (pain).

La panique est liée au dieu Pan, qui dans la mythologie grecque, protégeait les bergers et les troupeaux. Il était si laid avec ses cornes et ses pattes de chèvre qu’il a fait fuir sa mère épouvantée à sa naissance. Il passait son temps à effrayer les voyageurs égarés ou les voleurs en apparaissant subitement et en poussant des hurlements terribles.

« Pan », c’est aussi l’onomatopée pour dire le coup de feu. De fait, nous sommes devenus des cibles multiples, du virus, des médias, du système, des proches, de soi-même. Chaque passant qu’on croise est un snipper potentiel, un proche, c’est déjà une mine contaminante.

Covid-19 : un mot étrange pour une réalité inédite, qui émerge dans des torsions sans précédent. C’est le temps libre imposé. La pluie de milliards annoncée quand on cherchait le centime d’économie. La peur collective intériorisée. Les fake news au cœur de l’info. Plus besoin de théories du complot : le complot biologique s’immisce dans nos cellules. Dans ces retournements convulsifs la vie du monde est devenue le plus grand oxymore jamais engendré.

L’oxymore est une figure de style sidérante (le soleil noir, la douce violence). Elle nous vient quand parler est difficile, quand nous flirtons avec l’inexprimable. Quand nous ne voulons ou nous ne pouvons pas entendre. Face au virus nous sommes nus, dépourvus de tout ce qui nous cache et nous protège. Symptôme de cette nudité : plus de masque ni de gants ni de gel protecteur…

Le virus, croit-on savoir, est né sur un marché de Wuhan que fréquentent des Chinois pauvres. Il n’est pas « chinois », comme l’estime un Président des Etats-Unis, porte-voix de milliardaires, qui ne sait pas parler. Il est la ruse, l’insistance, la revanche, le suicide, le cri de la misère face au système qui la produit.  Du fond de notre confinement, saurons-nous l’entendre ?

 

Wittgenstein : »La philosophie est un combat contre l’ensorcellement de notre intelligence par le moyen de notre langage. »

Camus : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. »

Socrate : « Il faut prendre soin de son âme davantage que de son corps ou de sa richesse. »

Spinoza : « Les hommes se trompent quand ils se croient libres. Cette opinion consiste en cela seul qu’ils sont conscients de leur action et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés. »