CHRONIQUE D’UN CONFINEMENT (Jour 2/ mercredi 18 mars)

Confinement et confiserie

En écho à la chronique précédente, et pour instiller une saine dose d’humour dans leur séquence philosophique, certains on demandé si confinement et confiserie provenaient de la même source linguistique. La réponse est non , même si la proximité phonétique est tentante.

Confire n’est pas confiner (enfermer, limiter). Confire est formé avec deux mots latins, cum (avec) et facere (faire). Il signifie, digérer, achever par maturation, utiliser un procédé qui conserve un aliment et l’empêche de pourrir. Le confit de canard ne peut donc être confondu avec le confinement du palmipède.

On peut toutefois se demander si le mot ne nous éclaire pas sur la situation virale actuelle. Elle nous avale, en effet, et nous fait macérer dans une inactivité forcée. Mais si nous restons tétanisés sous la menace, nous allons finir confit en solitude comme le bigot en dévotion.

Il nous faut donc nous confire dans le sens de faire avec. Faire avec cette épreuve, qui serait seulement surréaliste si elle n’avait pas son lest de pathologie mortelle. Penser cette épreuve aussi, les contradictions, ambivalences et ambiguïtés qu’elle rend plus évidentes en nous.

Nous courions après le temps, il nous est donné à profusion, certes sous un mode forcé, mais cela nous laisse insatisfaits. Nous pestions d’être détournés de notre intériorité et voilà que, quand nous avons tout loisir de nous y consacrer, nous désirons une seule chose : sortir. Nous revendiquions notre individualisme et un jour de confinement suffit pour nous mettre en manque de société…Emerveillement de l’instant, vie intérieure, développement personnel, toutes les recettes à la mode sont dissoutes par un Covid avide.

Macérons donc, si cela nous permet de devenir plus lucides, de mieux nous connaître et de nous transformer. Le passage du virus que, en continuant à nous confiner, nous contournons aura eu au moins une vertu.

Hobbes : « L’oisiveté est la mère de la philosophie. »

Montaigne : « Il me semblait ne pouvoir faire plus grande faveur à mon esprit, que de le laisser en pleine oisiveté, s’entretenir soi-même et s’arrêter et rasseoir en soi. »

Paul Valéry : « Un homme seul est toujours en mauvaise compagnie. »

Fernando Pessoa : « Vivre, c’est être un autre. »