CHRONIQUE D’UN DECONFINEMENT (Jour 30/ mercredi 15 avril)

L’art du confinement

 

La plupart du temps, quand ils entendent le mot philosophie, les artistes haussent le sourcil …Trop de raison, d’esprit et de palabres dans cette discipline ardue…Ce sont des ingrats, car la philosophie a la passion de l’art et le philosophe est l’ami des artistes.

Pour preuve immédiate : ils vont prendre aujourd’hui la plus grande place dans cette chronique. Que trouvent-ils dans leur pratique ? Pourquoi et comment les aide-t-elle à traverser le désert du confinement ? Eléments de réponse avec quelques amis et parents mis à contribution.

Jean-Paul, pianiste : « La musique est un voyage. Elle m’ouvre un autre monde, un monde fait de collages d’images et de sentiments, de rendez-vous très différents, de souvenirs heureux comme de moments tristes. On s’évade aussi dans la mélancolie. Avec le piano, au plaisir des sons s’ajoute celui du toucher, j’ai un contact sensuel avec le clavier. Jouer, c’est caresser. »

Cathy, danseuse : « La danse, c’est l’expression du soi à travers le ressenti de la réalité du corps et vice-versa. Ce qui prime, c’est le ressenti du mouvement – c’est-à-dire de la vie- qui réunit le corps et l’esprit sur le rythme d’une musique qui lui correspond. Un corps qui ne bouge pas est en prison. Tout cela dans une dimension de partage où la musique a une résonance humaine. »

Marion, comédienne : « Grâce au théâtre je m’extrais du temps et de l’espace pour les reconfigurer à ma manière. Le confinement m’offre la possibilité de ritualiser ma pratique, de la privilégier, de l’approfondir. C’est un temps pour me mettre au clair avec ce que je dois perfectionner, éclairer. Je suis libérée des urgences. Les minutes sont précieuses en ce moment parce qu’elles m’appartiennent. »

Pierre, bassiste de rock et de blues : « Ce que j’aime dans la basse, c’est sa fonction de lien entre le rythme et l’harmonie. La musique m’apporte des moments d’oubli et de plénitude. Je vis dans l’instant, c’est un carpe diem. Aujourd’hui, je suis frustré, le groupe me manque, le public et l’improvisation aussi. Mais avec les autres musiciens, nous restons reliés. On s’enregistre en solo et on s’envoie la vidéo par les réseaux sociaux, puis on mixe. »

Coline, graveuse et aquarelliste : « Je me soustrais au temps. Je suis dans une bulle uniquement composée des couleurs et des formes que j’aime. Dans cette période, mon esprit est mobilisé uniquement pour créer et retrouve son utilité première. »

Monique sculptrice : « Je peux rester des heures les mains dans la terre. C’est une thérapie, une méditation. Je suis entièrement dans le présent. J’aime le contact physique avec la matière brute, l’alternance du lisse et du résistant. Je profite de la période pour tester, innover, m’ouvrir à d’autre pistes créatives. »

L’art est un enfant du confinement. Il est né au fond de cavernes froides et obscures où les hommes se retiraient pour peindre sur les parois. Aujourd’hui l’occasion nous est donnée de retrouver sa force primitive et son mystérieux pouvoir sur le temps. Le confinement va durer. Et si nous en faisions un art ?

Alain : « Tous les arts sont comme des miroirs où l’homme connait et reconnaît quelque chose de lui-même. »

Nietzsche : « L’art et rien que l’art ! Celui qui nous permet de vivre, qui nous persuade de vivre, qui nous stimule pour vivre. L’art a plus de valeur que la vérité. »

Simone de Beauvoir : « C’est dans l’art que l’homme se dépasse définitivement lui-même. »

Bergson : « Pour celui qui contemple l’univers avec des yeux d’artiste, c’est la grâce qui se lit à travers la beauté, et c’est la bonté qui transparaît sous la grâce. »

Et par Jean-Paul :  Prélude n°3 Bach