CHRONIQUE D’UN DECONFINEMENT (Jour 27/ dimanche 12 avril)

Liberté du confinement 

 

C’est dimanche. Il fait beau. La journée a une vigueur d’enfance, elle sent le neuf et la liberté. La lumière entre dans la maison et lance une invitation solaire, impérative, urgente : « sors ! » Mais voilà, je ne suis pas libre de sortir, si ce n’est une heure, une heure seulement…Je suis confiné.

Libre ? Que signifie ce mot aujourd’hui ? Voilà  presque un mois, quand nous disions liberté, nous savions encore ce que cela voulait dire. L’esprit sans relâche malaxé par les avancées de la technoscience, nous pensions avoir conjuré les puissances archaïques de la fatalité et du Destin. Et, dans un système démocratique qui fait de la liberté une valeur dominante, chacun se croyait libre de faire ce qu’il voulait.

Un virus d’une puissance inédite est venu nous rappeler la réalité, non pas du destin, mais du déterminisme biologique qui pèse sur notre condition (l’état du corps, sa fragilité, sa santé, sa finitude mortelle). Pour y faire face, la sécurité collective a pris le dessus sur la liberté personnelle d’aller et venir, de travailler, de rencontrer. Sur ces deux versants, le Covid-19 a triomphé de nos représentations naïves de la liberté et brisé nos certitudes individualistes.

Être libre, c’est « faire ce qui me plaît », estimions-nous. Mais souvent, pour être libre, il faut faire ce qui ne plaît pas. C’est ce qui arrive, par exemple, quand on se libère du tabac. Être libre, « c’est faire ce que je veux », affirmions-nous. Mais qu’est-ce qu’une volonté pourrait bien vouloir si elle n’était pas libre ? Et notre complexité est telle que la suppression d’une contrainte engendre une contrainte…S’il était interdit de se confiner, notre liberté serait limitée.

Nous avions oublié que la liberté n’est ni pensable ni réalisable sans son lest de contraintes. La liberté est un poids, celui du défi. Telle est la vérité du confinement. Pourtant l’appel de la porte ouverte, le chant de la lumière matinale, m’apportent encore un autre message. Et ce n’est pas celui de la liberté intérieure, dont les stoïciens faisaient un remède dans l’adversité.

Si je veux sortir, c’est parce que je suis déjà libre, c’est parce que j’ai goûté à la liberté. Pas celle d’un quant à soi dont je découvre aujourd’hui toutes les limites. Celle qui me pousse vers les autres et que je vis avec eux. Celle qui combat l’ignorance, celle qui reste inauthentique et incomplète si elle ne s’accompagne pas d’un idéal de justice.

La liberté me précède. Je la suis donc et passe la porte. C’est dimanche, je sors marcher une heure au soleil.

Nietzsche : « Libre de quoi ? Demande-toi plutôt libre pourquoi ? »

Sartre : « L’homme est condamné à être libre. »

Rousseau : « L’homme est né libre et partout il est dans les fers. »

Madame Roland : « Ô liberté que de crimes on commet en ton nom. »

On peut aussi écouter l’ami Jean-Paul avec la romance n°6 de Mendelssohn :

Mendelssohn