CHRONIQUE D’UN CONFINEMENT (Jour 1/ mardi 17 mars)

Et si on philosophait? 

Que faire? Après le vélo elliptique, les sessions vidéo entre amis, le tri des images et le classement des vieux relevés bancaires? Il reste encore des montagnes et des océans de temps…Et ce n’est que le début. Pourquoi dans ces conditions extrêmes de confinement, ne pas découvrir ou revenir à la philo?

Elle semble tout indiquée. Le mot de confinement évoque le retrait et l’enfermement. Or la détention est depuis longtemps familière aux philosophes. Condamné à mort par ses juges athéniens, l’initiateur de la philosophie, Socrate, finit ses jours en prison. Epictète, haute figure du stoïcisme a vécu une partie de sa vie en esclavage. Boèce, érudit et haut magistrat médiéval, a rédigé dans sa cellule une bouleversante Consolation de Philosophie avant d’être supplicié. Pour avoir soutenu avant tout le monde que l’univers était infini, Giordano Bruno a passé des années dans les geôles du Vatican avant de périr sur un bûcher.

Tous ces penseurs en captivité ont cherché à dépasser leur malheur en lui donnant un sens. L’espérance d’une vie après la mort pour Socrate. L’exercice d’une liberté intérieure pour Epictète. L’acceptation de l’injustice pour Boèce. Le refus et la résistance pour Bruno. C’est la tâche quotidienne qui nous attend désormais : faire face au confinement avec détermination et confiance.

Mais le mot de confinement est également proche de confins. Et la philosophie est aussi une pratique d’évasion qui nous entraîne loin de notre condition immédiate sans rien en renier. Aujourd’hui, une mutinerie s’est déclenchée à la prison de Grasse après la suspension des parloirs. On trouve toujours plus confiné que soi. Pire encore, certains confinés, plus vulnérables, ne résisteront pas au virus.

L’occasion nous est donc donnée de réfléchir à ces limites auxquelles le confinement nous confronte. Limites d’une idéologie économiste sourde et aveugle; limites d’une technoscience qui se croit omnipotente; limites de nos petites vies individualistes. Y réfléchir pour les faire bouger demain et y percer des points de passage? C’est déjà un sens à donner à notre confinement.

Pour nous y aider :

Socrate :« Ce que je sais, c’est que je ne sais rien. »

Epictète : « Le commencement de la philosophie, c’est d’avoir conscience de sa faiblesse et de son impuissance pour ce qui concerne les choses nécessaires. »

Boèce :  » Celui qui tombe, c’est que son pas est mal assuré. »

Bruno : » La nature est le terme de toutes les philosophies et de toutes les contemplations. »