CHRONIQUE D’UN DECONFINEMENT (Jour 25/ vendredi 10 avril)

Pauvres de nous 

 

Quelle différence aujourd’hui entre un riche et un pauvre ? Le riche est confiné, adulte et il a peur du Covid-19, pour sa vie et pour son portefeuille. Cet enfant d’un bidonville de New Delhi qui fouille dans un tas d’ordures l’a dit très clairement dans un reportage d’Envoyé spécial : « Personne ne va attraper le coronavirus. Ça pue trop ici ! Le virus ne pourrait pas se répandre sur cette montagne car les microbes le mangeraient. » Le non-confiné est très jeune, il court sur des décharges et il n’a pas peur du virus…

Le retour d’image est violent. Il met en pleine lumière la fonction de tri social qu’opère le virus et qu’il rend manifeste. Celui-ci ne sépare pas seulement les porteurs sains, les immunisés, les infectés et ceux qui vont mourir. Il ne fait pas de hiérarchies uniquement entre les confinés occidentaux et les autres (réfugiés ou migrants). Il ne s’en tient pas à des distinctions cruelles au sein des confinés occidentaux où certains sont plus confinés que d’autres (les détenus) où d’autres pâtissent de la violence domestique que le confinement peut générer (les enfants et les femmes…).

Le virus divise les hommes en deux tas – riches et pauvres – avec plus d’agressivité encore que le compte en banque ou les apparences.  Le gamin de New Delhi le dit avec son franc-parler et son indifférence désarmante : le virus est une maladie de nantis et le confinement un privilège. Cela se suppose ou se voit chez nous. Cela saute aux yeux quand on regarde ailleurs. Ce virus sans pitié éclaire notre planète. Aucune frontière, aucun abîme, que les temps ordinaires rendent invisibles, n’échappe à son faisceau de mirador.

Le clivage continue sur le plan de l’incrédulité. Les nantis sont frappés de stupeur. Les plus pauvres des pauvres croient que le virus ne viendra pas jusqu’à eux.

Et pendant que des gamins s’activent sur des décharges, la Présidente de la Banque Centrale Européenne a déjà sorti sa calculette de comptable pour évaluer le coût du confinement. Chaque semaine de celui-ci fait perdre de 2 à 3% de PIB aux pays de la zone euro, prévient-elle.

A ce rythme, la nudité philosophique du confiné risque fort de se transformer en nudité économique. Comme si ce système aujourd’hui enrayé n‘avait qu’une logique planétaire : la hausse tendancielle du taux de pauvreté.

Demain quand le tsunami de l’épidémie aura reflué, il se pourrait bien que « les eaux glacées du calcul égoïste », dont parlait Marx, enflent comme un torrent. A la différence du virus elles emporteraient tout le monde dans leur flux tumultueux. Et les pauvres des décharges et les nantis confinés. Les seconds y noieront aussi leur âme après l’avoir aperçue pendant quelques semaines. Elle ne sera plus qu’une sorte de déchet.

 

Benjamin : « Nous sommes devenus pauvres. Nous avons sacrifié bout après bout le patrimoine de l’humanité. »

Bataille : « La vérité est un démenti violent. »

Hugo : « C’est de l’enfer des pauvres qu’on fait le paradis des riches. »

Mandela : « La pauvreté n’est pas une chose naturelle. Il s’agit d’une création humaine, et elle ne peut être surmontée et éradiquée qu’au travers des actions des êtres humains. »

CHRONIQUE D’UN DECONFINEMENT (Jour 24/ jeudi 9 avril)

En route, confinés ! 

 

« S’en sortir sans sortir. » Une main anonyme a écrit cette formule à la craie sur le goudron d’une rue du quartier…Est-ce possible ? Comment ? Peut-être en mettant à profit le temps du confinement et en utilisant sa dynamique interne qui n’est pas toujours évidente à déceler, il est vrai, dans cette mélasse de sidération, d’ignorance et de non-sens qui enveloppe nos pensées.

Dans sa magistrale Introduction à la philosophie (petit livre lumineux qu’on ne saurait que conseiller), Karl Jaspers rappelle les trois origines de la philosophie : l’étonnement, le doute et l’égarement. Ces trois situations, nous les vivons aujourd’hui avec une intensité singulière.

« Les hommes s’étonnèrent d’abord des choses étranges auxquelles ils se heurtaient », explique Aristote. Ils se sont éveillés au monde extérieur pour en comprendre les manifestations et en expliquer les phénomènes. L’étonnement est toujours là sous ces deux formes originelles que sont l’émerveillement et la sidération produite par le choc du réel. L’étonnement engendre le besoin de savoir.

Les connaissances s’accumulent, se réfutent, se contredisent. Leur volume et leur complexité nous échappent. Mais nous pouvons et nous devons les soumettre à l’examen, les passer au crible du doute, d’un doute qui n’est pas scepticisme, mais analyse méthodique. C’est dans la mise entre parenthèse du savoir acquis et des idées reçues que Descartes pose sa célèbre formule « Je pense donc je suis. » Du doute naît une certitude relative, momentanée mais réelle. Le doute est la seconde source de la philosophie.

La troisième se trouve dans la condition humaine et dans ce que Jaspers appelle la conscience des situations limites – la mort, la maladie, le hasard, la solitude, la culpabilité, etc. – qui nous donnent le sentiment d’être perdus. Nous y rencontrons l’échec, le néant mais aussi la volonté d’être sauvé, la profondeur de l’être, l’obligation de nous dépasser.

Dans les trois cas, précise Jaspers, « la recherche philosophique commence par un bouleversement qui saisit l’homme et fait naître en lui le besoin de se donner un but. » Dans l’exercice de sa liberté, l’homme se dépasse sans cesse lui-même et se projette dans l’avenir.

La catastrophe sanitaire déclenchée par le Covid-19 nous reconduit à des origines qui sont toujours présentes en nous. Elle nous ramène non pas à un monde ancien, à un passé révolu, mais à un éternel point zéro où tout recommence.

A ces trois mobiles majeurs Jaspers en ajoute une autre raison de philosopher sans laquelle les autres sont sans valeur : la communication. Bien entendu, il ne l’entend pas au sens de communication technique, médiatique ou numérique. Communiquer selon lui, c’est sortir de sa solitude, créer une communauté de confiance et de fidélité, combattre ensemble unis fraternellement par les liens de la liberté. Cela ressemble à ce que nous retrouvons dans le confinement, non ?

Et puis Jaspers nous glisse aussi que rien pour l’homme n’est définitif ni parfait. Le confinement ne l’est pas plus qu’autre chose. Nous brûlons, nous rêvons d’en sortir, nous voulons en sortir. Nous en sortirons. Nous sommes déjà dehors.

 

Platon : « S’étonner. La philosophie n’a point d’autre origine. »

Descartes : « Pour examiner la vérité, il est besoin, une fois dans sa vie, de mettre toutes choses en doute autant qu’il se peut. »

Jaspers : « Le but auquel tend une conduite philosophique ne saurait se définir comme un état réalisable une fois pour toute et dès lors parfait…Nous sommes essentiellement en route. »

 

 

CHRONIQUE D’UN DECONFINEMENT (Jour 23/ mercredi 8 avril)

Amitié virale 

 

C’est un effet heureux du confinement : l’amitié démontre sa force et sa valeur thérapeutiques. Sitôt l’alerte donnée, la garde rapprochée de mes amis s’est resserrée, et je me suis moi-même spontanément porté vers elle. L’amitié s’impose chaque jour un peu plus comme une pratique indispensable pour rompre un isolement délétère, se soutenir les uns les autres à distance, échanger des points de vue et des informations sur la situation, des vidéos marrantes, des enregistrements musicaux ou de simples signes d’affection.

Le manque s’intensifie avec la distance et la durée. Et comme les porcs-épics de Schopenhauer, modèles animaliers selon lui des relations humaines – trop près ils se blessent, mais ne cessent d’être attirés par les autres-, nous cherchons nos amis dans l’obscur labyrinthe de ce confinement sans fin.

Contrairement aux idées reçues et à un célèbre tableau de Rembrandt, le philosophe n’est pas un solitaire soustrait à la compagnie des hommes, enroulé dans le colimaçon de ses pensées et vaguement misanthrope. L’amitié est au contraire une thématique récurrente dans l’histoire de la philosophie et chaque époque a pris sa part dans la longue et belle guirlande des théories. Montaigne voit en elle « une parfaite convenance des âmes », un lien d’intimité singulier et inexplicable. Kant, au contraire, y décèle un rapport moral et rationnel ouvrant sur un amour universel de l’homme pour l’homme.

Dans l’Antiquité, l’amitié a donné lieu à des conceptions et des pratiques spécifiques selon les écoles. Platon définit la philia comme une approche du semblable par le semblable, une parenté à la fois ontologique et affective. Aristote fait de l’ami un autre soi-même et de l’amitié une activité en commun. Dans le Jardin d’Epicure, l’amitié fait le battant cœur de la communauté avec pour systole l’ouverture à l’humanité.

A ces théories antiques qui fusionnent amitié et proximité, Nietzsche, jamais en reste d’un renversement, oppose sa théorie de l’éloignement. Le prochain devient un lointain. Chacun d’entre nous est comme un astre sur son orbite, à distance des autres sans leur être forcément hostile.

Le confinement nous a rendu inventifs. Nous créons un nouveau type d’amitié qui lance un pont entre proximité et de la distance. La formule « séparés mais ensemble, ensemble mais séparés. » en donne l’accès immédiat. Grâce à la communication numérique nous tissons des réseaux de soutien sans « présentiel » comme on dit dans e-learning. Pourtant ces toiles d’amitié n’ont rien à voir avec les réseaux dits sociaux livrés à des relation superficielles, narcissiques voire perverses.

Sans être une armée de l’ombre réclamée par la « guerre » contre le virus, c’est bien un réseau de résistance, de fraternité et de solidarité qui se développe. Les outils de communication à distance retrouvent une nudité de simples outils. Ils s’effacent derrière le sens que nous leur donnons, ils ne nous servent qu’à transmettre un appel sans fin lancé aux autres.  Et nous voici, dans la solitude de nos confinements à allumer des feux de côtes et à faire résonner des chants de bergers isolés.

« Tu es là ? Je suis là. Nous sommes là ». Nous avons retrouvé le vieil algorithme, l’arbre circulaire ancestral, le modèle en boucle des origines. Nous voici ciblés, fichés, enregistrés, identifiés comme des êtres redevenus humains. L’amitié est notre antidote. A consommer sans modération.

Epicure : « L’amitié mène sa ronde autour du monde. »

Nietzsche : « Qu’il fallût que nous devenions étrangers, voici la loi au-dessus de nous et c’est par quoi nous nous devons du respect, par quoi sera sanctifié davantage encore le souvenir de notre amitié de jadis ! »

Montaigne : « C’est un assez grand miracle de se doubler. »

Aristote : « L’ami est un autre soi-même. »

 

CHRONIQUE D’UN DECONFINEMENT (Jour 22/ mardi 7 avril)

 

Penser l’événement

 

Penser ce qui nous arrive. Certes, mais n’est-ce pas précisément le plus difficile aujourd’hui ? Comment traverser les murs invisibles de cette angoisse sourde de confinés ? Comment se faire une idée dans le morcellement de l’information disponible ? Comment sortir de ce vide blanc qui nous sert de pensée ? Comment mettre un peu d’ordre dans nos affects et nos représentations personnels et collectifs ?

Nous pouvons choisir de nous résigner (c’est la fatalité…), de nous lamenter (le sort est injuste), de creuser la plaie (ça devait nous arriver), de chercher des causes métaphysiques (la volonté ou la punition divines) ou des boucs-émissaires. Mais nous n’aurons pas beaucoup avancé. Et ce sont là des pensées d’amertume, de déresponsabilisation, de renoncement. Ce sont les filles non reconnues du ressentiment.

Penser l’événement, c’est lui donner un sens. Et pour cela le questionner, car le sens ne vient pas tout seul. Questionner l’événement et se questionner aussi, ceci sans relâche, pour ne pas subir totalement la situation. Et pour pas laisser à d’autres le monopole de l’interprétation.

Un événement n’est pas un accident, un fait aléatoire qui nous tombe dessus (de cadere : tomber). Ce n’est pas un signe nécessaire écrit depuis toujours dans le livre des cieux. C’est ce qui vient à nous (evenire en latin), quelque chose d’extérieur, mais qui nous touche, nous impacte et nous transforme. C’est ce qui nous interpelle et nous met à l’épreuve.

Philosophes de l’épreuve, les stoïciens, adoptaient face aux événements une attitude à triple détente qui pourrait nous être utile aujourd’hui et qu’on peut actualiser ainsi :

1/ Comprendre l’événement et s’en forger une représentation correcte. Cela signifie comprendre les véritables causes, saisir les effets et ne pas se perdre dans des interprétations fantasmatiques et des projections cathartiques. Marc Aurèle, empereur romain et philosophe stoïcien : « Chaos sans direction ? Estime-toi heureux dans un tel tourbillon de posséder toi-même une intelligence directrice. »

2/Vouloir l’événement. Les stoïciens avaient une conception particulière du Destin qu’ils appréhendaient comme un ordre du monde à la fois rationnel et naturel. Marc Aurèle encore : « Le propre de l’homme de bien est d’aimer et d’accueillir avec joie tous les événements qui viennent à lui et sont liés à lui par le Destin. »

Objection légitime : impossible d’accueillir tous les événements de la même façon, il en est d’heureux, il en est de terribles comme les guerres, la maladie, les blessures. Mais on peut au moins accepter leur présence et leurs effets sur nous. Ne pas les fuir, leur tenir tête.

3/ Agir sur l’événement. L’événement a des effets sur nous, mais nous pouvons utiliser sa force contre lui, en devenir les acteurs par ce que Gilles Deleuze appelle une contre-effectuation. Pour les stoïciens, cette action devait être appropriée.  Qu’est-ce qu’une action appropriée ? Une action conduite par la raison mais surtout orientée vers le bien commun. Marc Aurèle toujours : « Tu dois veiller au salut de tous les hommes et servir la communauté humaine. »

Comprendre la vérité de l’événement, lui faire face, orienter la réplique en cherchant le bien de tous. Ce conducteur antique est-il si dépassé quand l’événement viral balaie tous nos repères ?

 

Hannah Arendt : « Penser l’événement pour ne pas succomber à l’actualité. »

Gilles Deleuze : « Ne pas être indigne de ce qui nous arrive. »

Joe Bousquet : « Deviens l’homme de tes malheurs, apprends à en incarner la perfection et l’éclat. »

CHRONIQUE D’UN DECONFINEMENT (Jour 21/ lundi 6 avril)

Gratitude et méfiance

 

Quel homme suis-je dans le confinement ? Un hystérique remerciant chapeau bas les éboueurs, la pharmacienne et le buraliste, qui lui permettent de survivre au ralenti ? Ou alors un paranoïaque qui voit une menace mortelle dans toute personne transgressant la ligne de distanciation sociale ? Fraternité et gratitude ou méfiance et rejet ? Les deux facettes seraient-elles conciliables et comment ?

Cette alternative décline sur une variante sanitaire de crise  la théorie kantienne de « l’insociable sociabilité ». D’un côté, explique Kant « L’homme a une inclination à s’associer, parce que dans un tel état il se sent plus qu’homme, c’est à dire qu’il sent le développement de ses dispositions naturelles ». En nous privant des autres, le confinement rappelle, non seulement l’utilité de leur présence, mais encore sa nécessité.

En même temps, continue Kant, l’homme « trouve en lui-même l’insociabilité qui fait qu’il veut tout régler à sa guise et il s’attend surtout à provoquer une opposition des autres ». La liberté individuelle veut s’imposer et surtout elle a besoin de s’opposer à d’autres libertés pour exister. La menace virale renforce notre égoïsme de vivant.

Avec le confinement les tensions entre les deux tendances s’exacerbent. Nous redécouvrons notre être social, c’est-à-dire notre interdépendance, mais aussi cette humanité sans laquelle notre moi pensant et sentant demeure au degré zéro de la subjectivité. Pour certains, c’est une vraie surprise après des décennies de dressage au culte du moi. Pour d’autres plus au fait, une clarière dans la jungle du darwinisme social voire une promesse de changement.

Mais nous sommes aussi inquiets, tenaillés par la peur que l’idéologie sécuritaire nous a inséminée avec ses incessantes piqûres de rappel médiatiques. L’autre n’est pas l’opposant kantien qui me permet d’affirmer ma liberté, mais un ennemi potentiel, une menace constante.

Il n’est pas acquis que cette dualité un jour puisse se résoudre. Personne ne peut échapper à la tyrannie de son individualité vivante qui lui ordonne d’accroître son être et de satisfaire ses besoins et ses désirs. En outre, les formes de socialité sont toujours ambiguës, conditionnelles et précaires. L’humanité n’est ni une ruche ni une fourmilière, sociétés peu évolutives où les fins individuelles et collectives se confondent. A l’inverse l’individualisme sauvage et compétitif, culpabilisant et ségrégatif montre aujourd’hui toutes ses limites. Et l’on n’en peut plus aujourd’hui d’être réduit à soi.

Le confinement rend plus lisibles les contradictions qui nous pétrissent. Il passe au scanner la dualité insoluble qui nous habite. Mais est-elle si négative ? Entièrement happé par les autres, je risque l’emprise et l’aliénation. Et si je reste collé à moi-même, je me noie dans le narcissisme.

Le confinement nous tient à distance de ces deux excès, de la fausse promesse comme de l’illusion. Il ne nous fait pas double mais triple. Il réactive ce troisième homme qui en nous pèse toujours le pour et le contre pour choisir librement la voie à ouvrir avec les autres. Ce troisième homme n’est jamais confiné. Il va et vient, il s’absente souvent. Saluons son retour.

 

Sartre : « L’enfer, c’est les autres. »

Valéry : « Un homme seul est toujours en mauvaise compagnie. »

Eluard : « Nous avons inventé autrui, comme autrui nous a inventé. Nous avions besoin d’un de l’autre. »

Paul Ricoeur : « Une vie bonne, avec et pour autrui, dans des institutions justes. »

CHRONIQUE D’UN DECONFINEMENT (Jour 20/ dimanche 5 avril)

Rire et virus

 

Aujourd’hui, c’est dimanche. Il faut sourire un peu. On espère que les soignants qui n’en peuvent plus, qui craquent et qui pleurent ne nous en voudront pas. Le rire en tout cas, si j’en crois le nombre de vidéos et de blagues marrantes que je reçois et transmets, aide à vivre le confinement.

Depuis qu’elle s’est mise en route, la philosophie s’intéresse au rire. Grand savant de l’Antiquité Aristote a souligné cette évidence : « L’homme est le seul animal qui rit ». Bien avant Rabelais (« Le rire est le propre de l’homme. »), il voyait dans le rire une spécificité humaine, un comportement exclusif qui nous distingue des autres espèces. C’est d’une vérité aveuglante, même si parfois quelques images de singes sèment le doute…

De nombreux philosophes se sont ainsi attelés à comprendre et à définir cette spécificité. Avec plus ou moins de bonheur, mais on leur pardonne, tant il est difficile à l’homme d’appréhender sa spécificité. En dépit du masque mélancolique dont on les affuble, ils ne dédaignent pas de se mettre en joie et le rire suscite leur curiosité intellectuelle. Il est vrai parfois que le rire transperce nos armures rationnelles et il peut être si incontrôlable qu’on parle de fou rire.

Les Epicuriens incluent le rire-ensemble dans le mode vie du Jardin. Le sombre Descartes préconise la gaieté à la Princesse Elisabeth, qu’il entreprend de guérir de sa neurasthénie. En bon mécaniste, il décrit aussi le rire comme un phénomène physiologique qui déforme le visage. C’est sans doute pour cela qu’il ne faut pas rire sur les photos d’identité.

Le doux Spinoza l’élève au niveau d’une « pure joie », entendez un sommet de la joie qui reste à construire tous les jours. Mais pour lui, l’humour ne doit pas être utilisé contre les autres. Nous savons aujourd’hui d’un triste savoir, qu’on peut en mourir. Nietzsche l’enfiévré, voit dans le rire « une guerre » (cela ne vous rappelle rien…) et « une victoire », invitant à apprendre à rire pour « danser sur les prairies de la tristesse » (en ce temps de confinement, il faut avoir un grand jardin…).

 

Ironie critique, humour, second degré, les philosophes ont utilisé toutes ces ressources naturelles pour développer leurs théories. De tous, Diogène passe pour le plus farceur. Pour critiquer les mœurs athéniennes, il entrait au théâtre quand la foule en sortait, le spectacle fini. Un jour, quelqu’un l’invite dans sa demeure magnifique en lui interdisant de cracher. Diogène se râcle la gorge et lui crache au visage en disant qu’il n’avait pas trouvé d’endroit moins convenable…Platon ayant défini l’homme comme un bipède sans plume, Diogène interrompt un des ses cours pour jeter un corps de poulet déplumé dans l’assistance…

 

« La journée commence bien ». Afin de mieux illustrer le mécanisme de l’humour, le docteur Freud, grand maître de l’angoisse, met cette phrase dans la bouche d’un condamné à mort qui va être exécuté dans la matinée. Le rire protège le moi contre la dureté du réel.

 

Pour boucler la boucle, revenons à Aristote. Selon lui, lorsqu’on rit «la pensée est mise en mouvement en dépit de la volonté la plus ferme ». Le rire conteste et proteste. Ne nous privons donc pas de rire ensemble. Même sidéré, angoissé, confiné, l’homme peut rire, il sourit encore face au poteau d’exécution, comme un guérillero sur une photo célèbre. A l’opposé l’esprit de sérieux règne dans les univers déshumanisés, les dictatures et les systèmes totalitaires.

Depuis la nuit des temps, le rire est un des meilleurs remèdes que l’homme oppose au malheur de sa condition. Il est gratuit et efficace, individuel et collectif, dynamique et communicatif. En ces temps d’étrange pénurie de masques, de tests, de médicaments et de traitement, il serait contre-indiqué de s’en priver.

 

Epicure : « Il faut rire et philosopher. »

 

La Bruyère : « Il faut rire avant que d’être heureux, de peur de mourir sans avoir ri. »

 

Chris Marker : « L’humour est la politesse du désespoir. »

 

Hobbes : « le rire est un moment de gloire. »

 

Bergson : « Le rire châtie certains défauts à peu près comme la maladie châtie certains excès. »

CHRONIQUE D’UN DECONFINEMENT (Jour 19/ samedi 4 avril)

Triste topique…

 

« Osabandus, nequeys, nequer, protorinum, quipsa milus. » Face au virus qui nous dévaste et nous confine le langage des médecins est devenu aussi incompréhensible que celui de Sganarelle, quand il les imite, devant Géronte, dans le Médecin Malgré lui. On savait que la médecine n’était pas une science exacte, on découvre que c’est un ring de boxe où des combats pathétiques ajoutent au désarroi général. Les médecins ont pris le relais des politiciens et des économistes pour animer un de ces débats aussi passionné qu’indécidable qui rythment notre culture nationale.

En cette époque trouble où la subjectivité titube dans les ténèbres, plus que du côté des médecins faudrait-il chercher la lumière dans nos maladies ? Chaque époque se définit à travers une pathologie. Depuis les années 80 du siècle dernier, pour ne prendre que quelques exemples, nous avons ainsi puisé dans le lexique de la psychiatrie et de la psychologie pour tenter d’identifier la dominante de notre folie collective. Schizophrénie, autisme, perversion narcissique, nous ont ainsi successivement servi de grille de lecture

Et avec le Covid-19, quelle maladie pourrait bien jouer le rôle de marqueur identitaire collectif ? L’épilepsie, peut-être ? Epilepsie : du grec, attaquer par surprise…La crise convulsive résulte d’une hyperactivité cérébrale. Les cellules nerveuses s’emballent. Elle est précédée d’un étonnant phénomène de lucidité extrême appelé aura. Dans L’Idiot, Dostoïevski, qui lui-même souffrait de ce mal, décrit ce moment où l’on éprouve : « une souveraine sérénité, faite de joie lumineuse, d’harmonie et d’espérance, à la faveur de laquelle la raison se haussait à la compréhension des causes finales. » Mais cet état morbide est désormais derrière nous.

Nous avons mieux aujourd’hui pour affiner le diagnostic de notre démesure : la fièvre obsidionale (obsidio : siège). De quoi s’agit-il ? D’une forme de psychose collective qui touchait les populations assiégées. Dans Tristes tropiques, l’anthropologue Claude Lévi-Strauss, en présente un cas, par lui-même observé avec le regard éloigné qui était le sien, lors de son arrivée à Fort-de-France alors qu’il fuyait la France, frappé par les lois dites juives. C’était en1941.

« La plupart des Français, raconte-t-il, avaient vécu une « drôle de guerre » ; celle des officiers en garnison à la Martinique ne relève d’aucun superlatif pour être exactement qualifiée. Leur unique mission qui était de garder l’or de la Banque de France s’était dissoute dans une sorte de cauchemar dont l’abus de punch n’était que partiellement responsable, un rôle plus insidieux, mais non moins essentiel, étant dévolu à la situation insulaire, l’éloignement de la métropole et une tradition historique riche en souvenirs de pirates. »

A cette tradition s’ajoutait la surveillance américaine, la menace des sous-marins allemands. « C’est ainsi, poursuit-il, que s’était développé une fièvre obsidionale, qui, sans qu’aucun engagement se fût produit, et pour cause, et sans qu’aucun ennemi ait jamais été aperçu, n’en avait pas moins engendré un sentiment d’affolement. »

Sous quelle forme pour la soldatesque de la malheureuse garnison ? « Leur esprit malade retrouvait une sorte de sécurité à remplacer un ennemi réel, mais si éloigné qu’il en était devenu invisible et comme abstrait – les Allemands- par un ennemi imaginaire mais qui avait l’avantage d’être proche et palpable : les Américains. »

Nous aussi, les confinés, sommes assiégés par un virus invisible qui échappe à notre maîtrise. La ressemblance de notre situation avec celle des militaires isolés, menacés, rendus inutiles et alcoolisés reste fortuite, mais dans notre confusion générale, gardons-nous au moins de sombrer dans la fièvre obsidionale et de nous inventer des ennemis imaginaires. Tentons plutôt de rester lucides et concentrés.

 

 

Nietzsche : « La valeur de tous les états morbides, est de montrer comme agrandis à la loupe certains états qui en tant que normaux sont difficilement discernables en tant que tels… »

Camus : « Au milieu des fléaux, on apprend qu’il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser. »

Epictète : « La maladie est une contrariété pour le corps mais non pour la volonté, si elle ne le veut pas

 

 

CHRONIQUE D’UN DECONFINEMENT (Jour 18/ vendredi 3 avril)

Méditation par les autres

Ce matin, mon esprit s’en va vers les autres. Je pense à tous ceux qui me permettent de rester tranquillement confiné. Tout un peuple invisible mais indispensable à ma survie. Aux soignants qui prennent tous les risques et meurent parfois au bord du cratère viral dévastateur. A ma fille volontaire pour faire cours dans un établissement scolaire accueillant des enfants de soignants et de militaires. A Isabelle, fidèle au poste en mairie. A Nicole qui poursuit sa mission auprès d’adolescents blessés par la vie. A tous mes ami(e)s médecins et fonctionnaires, hier encore si méprisés.

La plupart du temps, on pense aux autres parce qu’ils nous manquent. Ou parce qu’ils nous hantent. Amour et affection, ou haine et envie. Là, c’est différent, mes pensées m’arrachent à mon oisiveté impuissante. Désolation d’être là, d’être ce que je suis, de ne pouvoir actualiser mon possible d’humain, de ne pas prendre ma part, aider, donner. Ma personne s’efface. Dans le dépit, le sentiment des limites, l’angoisse, les miroirs dressés du confinement ne me renvoient que l’image des autres.

Un pas de plus dans cette méditation et voici qu’elle bascule dans une région ancienne et secrète du cœur, vers la trace indélébile d’une présence nourricière et bienveillante. Lieu où résonne une voix lointaine, où le toucher vibre de réminiscences indéfinissables. Espace disparu mais à jamais de l’expérience première sensible qui, par une mère, fait entrer dans le monde humain, le monde de l’être-relié.

Une méditation philosophique n’a rien à voir avec une méditation transcendantale, de pleine conscience, ni un exercice de développement personnel. Si elle ramène au moi ce n’est pas pour le distraire, le dissoudre, le réadapter. C’est pour l’éveiller à son altérité et à sa reliance.

Alcibiade, dévoré d’ambition personnelle, aspire à gouverner Athènes. Son ami Socrate lui donne ce conseil devenu célèbre : « Connais-toi toi-même. » Il lui explique ensuite pourquoi. En se connaissant soi-même, on prend soin de son âme et on peut mieux prendre soin des autres. Ensuite en prenant bien soin de la cité, on améliore sa propre citoyenneté. Enfin en se connaissant, l’âme remonte à la source de son être, à sa capacité de connaître. Pour Platon elle s’ouvre au monde des idées auquel elle a participé avant de s’incarner dans un corps.

Ainsi l’impératif socratique ne se donne jamais le moi comme objectif. Le retour à soi est un acte politique qui fait relie immédiatement à la cité et au rôle qu’on doit y jouer. Mais dans cette conversion, qui lui rappelle son être socialement relié, l’âme touche à sa propre origine.

Je m’approche du miroir. Mon image n’est rien sans les autres. C’est grâce à eux que je peux me reconnaître ou pas.

 

Mustapha Dalheb : « En silence nous nous retournons en nous-mêmes et nous comprenons la valeur des mots solidarité et vulnérabilité. »

 

Cioran : « La seule façon de rejoindre autrui en profondeur est d’aller vers ce qu’il y a de plus profond en soi-même. En d’autres termes, de suivre le chemin inverse de celui que prennent les esprits dits « généreux ». »

 

Emmanuel Mounier : « De même que le philosophe qui s’enferme d’abord dans la pensée ne trouvera jamais une porte vers l’être, de même celui qui s’enferme d’abord dans le moi ne trouve jamais le chemin vers autrui. »

CHRONIQUE D’UN DECONFINEMENT (Jour 17/ jeudi 2 avril)

Théorie de la chauve-souris

           

            La chauve-souris et le pangolin. Cela ressemble au titre d’une fable de Jean de La Fontaine. Ces deux petits mammifères, aussi étranges l’un que l’autre, sont désormais sous la haute surveillance des chercheurs. Ils auraient joué un rôle dans la transmission du virus. Mais en même temps que le champ de la science, ils envahissent notre imaginaire et notre questionnement.

Prenons la chauve-souris. Sa sous-classe (mammifère volant), son nom articulé et saillant (chauve : signifie volant), son corps (des mains liées qui sont des ailes reliées au membres inférieurs), son mode vie (il chasse au crépuscule) : tout chez cet animal évoque le mystère et provoque la curiosité. Et plus encore sa façon de dormir. Ses mains étant des ailes, il s’accroche par les pieds. Autant dire qu’en ce moment il n’est pas difficile de s’identifier à une chauve-souris. Comme elle, si ce n’est à cause d’elle, nous avons-nous aussi la tête à l’envers.

Dans la mythologie grecque, la chauve-souris est associée à la folie, en référence aux Minyades. Ces trois filles d’un roi de Béotie avaient refusé de participer aux Bacchanales, les fêtes détraquées Dionysos. Pour les punir, le dieu les avaient frappées de démence et transformées en chauve-souris.

On trouve dans L’Odyssée, une scène qu’on pourrait rapprocher de la situation de dénuement où se trouve l’humanité frappée par le Covid-19. Après une tempête qui a fracassé son vaisseau et englouti ses derniers compagnons, Ulysse se retrouve seul et dépourvu de tout. Il doit affronter une seconde fois le double piège de Charybde (le remous engloutissant) et Scylla (un monstre à sept gueules dévorantes).

Avant de disparaître dans le tourbillon de Charybde, Ulysse lâche une poutre qui lui sert d’épave pour s’agrippe aux branches d’un figuier qui est allé pousser sur le flanc d’un rocher au bord du remous aspirant. Le héros malheureux se retrouve alors suspendu la tête en bas « comme une chauve-souris », raconte Homère.

Le chef de guerre courageux, bavard et fanfaron, n’est plus qu’un animal fragile, trempé, tétanisé dans un milieu hostile. Son système d’écholocalisation est en panne. Au bord du gouffre, Ulysse atteint un état-limite d’angoisse et de désespoir, proche de l’aliénation mentale.

Nous voici aujourd’hui à l’image d’Ulysse, tant le virus nous tourneboule, bouleverse nos paradigmes, renverse nos valeurs et affole les balises de notre subjectivité. La santé prévaut sur le marché, l’interdépendance sur l’individualisme, le sens du devoir sur le droit de l’ego, l’humanité planétaire sur le nombril de chacun, la coopération sur la compétition, la compassion authentique sur l’émotion médiatique. Des mots, hier encore, anciens rejetés dans le vocabulaire du monde ancien ou rangés sous l’étiquette « poste de coût » retrouvent du sens et de la vigueur : solidarité, fraternité, mutualité.

Dans sa situation inconfortable, le vainqueur des Troyens paraît soudain pathétique ou grotesque. C’est une erreur. Car, en réalité Ulysse attend. Il sait que Charybde vomit toujours les masses d’eau qu’il a absorbées. Alors il attend ce que les Grecs appellent le kairos, le moment propice, pour passer à l’action et récupérer son épave. Saurons-nous, comme lui saisir l’occasion qui nous est offerte à travers cette catastrophe sanitaire de nous remettre enfin la tête à l’endroit ?  C’est à nous d’en décider.

Quelques citations souvent utilisées par les apôtres du changement managérial…

Albert Einstein : « Il est plus difficile de désagréger un préjugé qu’un atome. »

Gandhi : « Nous devons être le changement que nous voulons voir dans le monde. »

L’abbé Pierre : « Le plus grand échec est de ne pas avoir le courage d’oser. »

Nietzsche : « Fais ce que toi seul peux faire. Deviens celui que tu es, sois le maître et le sculpteur de toi-même. »

CHRONIQUE D’UN DECONFINEMENT (Jour 16/ mercredi 1er avril)

Virus de la politique

 

« L’homme est un animal politique », nous a dit Aristote. Il est difficile d’établir lequel, des deux attributs prend le pas sur l’autre, tant, dans l’homme, la bestialité supplante bien souvent, l’être politique. Il arrive aussi que les deux se confondent pour produire des périodes de régressions absolue. Et la définition oublie aussi que l’animal, s’il peut vivre en communautés, n’est agressif que par instinct.

Toujours est-il que le virus, monstre nanométrique aux frontières du biologique, n’a eu besoin que de quelques jours pour terrasser l’animal politique. En France, il a repoussé le second tour des élections municipales plongeant la vie politique dans une parenthèse inédite.

Il a même autour de lui répandu un consensus inimaginable il y a quelques semaines. Des candidats et des partis qui s’opposaient, se salissaient, s’injuriaient encore les jours précédents, ont soudain fait silence avec l’arrivée du virus. S’il n’était mortel, on dirait que le virus a réussi à réaliser la plus grande union sacrée jamais réalisé sur la scène politique nationale.

Les partis se sont mis en sourdine. Plus de critique d’un camp envers l’autre. La bataille, la dispute, la surenchère, les coups bas et les règlements de comptes, toutes ces postures qui font l’ordinaire de la politique spectacle ont été remisées dans les coulisses. Après quinze jours de confinement, quelques lézardes apparaissent, on perçoit des murmures derrière les parois mais dans l’ensemble la maison commune tient bon.

Dans le même temps où ils paraissent se raccorder, les partis se sont rapprochés de ce peuple auxquels ils ne cessent de se référer sans pour autant le comprendre. Ils adhèrent à ses valeurs cardinales, comme pour exemples, la décence dans l’adversité, la mansuétude à l’égard des autres, la modération dans le jugement. Nous-mêmes aussi, nous changeons notre regard sur eux. La souffrance et la disparition d’élus emportés par le virus dans et par l’exercice de leurs fonctions modifient notre perception de sceptiques.

Nous saurons bientôt si l’unité née l’épreuve n’est que de façade, ou si la crise sanitaire crée enfin les conditions d’un monde plus juste et plus solidaire. Pour l’heure, on mesure pleinement combien, sans passion politique, la vie collective devient triste. Sans spectacle, il n’y a plus de critiques du spectacle, nous n’existons plus. Le vide démocratique tourne à l’insupportable.

Ce vide n’est pas seulement ennuyeux, il est aussi dangereux. Ses risques sont aussi mortels que le virus. L’absence de vie politique, ce n’est pas la liberté rendue au citoyen, c’est sa disparition, c’est le règne de la dissimulation et de l’oppression. C’est un trou noir démocratique. Cela s’appelle la dictature. Ailleurs le confinement a caché des cadavres.

Gardons confiance : il y a fort à parier que la machine démocratique va se remettre à tourner à pleine chauffe dès que nous serons sortis de cette étrange période. Et ce sera un autre signe que nous sommes guéris, que nous sommes vivants.

 Hannah Arendt : “Sans une vie publique politiquement garantie, il manque à la liberté l’espace mondain où faire son apparition.”

Spinoza : « L’homme qui est conduit par la raison est plus libre dans l’Etat où il vit selon le décret commun que dans la solitude où il n’obéit qu’à lui seul. »

Aristote : « La fin de la politique sera le Bien proprement humain. »

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